Nous sommes en juillet 2014. J’atterris à Téhéran le jeudi qui suit la fin du ramadan: la ville réputée chaotique est calme et désertée, comme dans un film catastrophe.
J’ai acheté mes billets quelques jours plus tôt. Je n’ai pas de visa mais seulement une réservation d’hôtel.
Arrivée nocturne à Téhéran
Mon avion se pose à trois heures et demie. Les officiers de frontière sont un peu endormis. Je leur montre ma réservation et ils me délivrent mon visa. Je partage un taxi avec un Français et je récupère par une sieste dans un parc. L’herbe est grasse, l’air frais, le bruit des voitures lointain.
Ma visite du bazar est un échec – toutes les échoppes sont closes. Je déambule sous les voûtes silencieuses suivi du vacarme de ma valise. Regards amusés des rares passants que je croise.
Je cherche un café pour démarrer la journée, mais ce ne sont que boutiques fermées et grandes avenues sans chaleur. Ce qui se rapproche le plus d’un café, ce sont d’épisodiques fast-foods aux couleurs flashy et des fours à pain – une grappe de clients se masse autour d’une ouverture dans le mur, par laquelle on aperçoit les marmitons qui s’activent.
Je me balade longtemps dans les rues.
Où je deviens millionnaire
Je vais changer de l’argent (les cartes bancaires occidentales n’ont pas cours ici); une demi-heure plus tard j’ai trente millions sur moi. Ou trois millions selon la façon de compter.
Il me faut un petit moment pour comprendre comment les Iraniens comptent l’argent: ils ont d’abord le rial, qui ne vaut pas grand chose. Ensuite ils comptent en toman, c’est-à-dire en dizaines de rials, ce qui ne vaut toujours pas grand chose. Du coup ils donnent les prix en milliers de tomans, soit le tiers d’un euro. Quand je prends mon premier taxi, de l’aéroport au centre-ville, j’ai du mal à comprendre combien coûte la course… Ayant changé 700€ au taux de change plutôt favorable de 42 000 rials par euro, je me retrouve multimillionnaire – et accessoirement, j’ai l’impression d’être un trafiquant, avec trois liasses d’un million de tomals chacune dont je ne sais trop que faire.
Balade à Téhéran
Je remplis ma journée en alternant les cafés et les musées. La chaleur sèche est tout-à-fait supportable. Traverser une avenue relève du pari existentiel.
Au hasard des rencontres, les Iraniens m’interrogent curieux, me parlent de leur pays. Le soir les jeunes filles voilées jouent au badminton et au volley dans les squares.
En fin d’après-midi, je m’envole pour Shiraz, dans le Sud, la ville des poètes Hafiz et Saadi et celle des ruines de l’antique Persepolis.
Les douaniers me cherchent des difficultés avec mon appareil photo (un Leica argentique…) et me demandent de l’ouvrir; après moult gesticulations ils me laissent passer sans que je ne doive sacrifier la pellicule et je monte dans l’avion.