C’est ma semaine des paysages extraordinaires; c’est aussi ma semaine où les kilomètres défilent et les taxis s’enchaînent…

Négociation du prix, attente des autres passagers, départ, course folle ponctuée d’échanges en petit nègre « finglish » (mi-anglais, mi-farsi), arrivée dans la ville suivante, et le cycle recommence: négociation, attente, départ… A la fin de la journée, je mélange tout: le prix des trajets, les stands d’attente (les « terminaux »), la gueule des chauffeurs et des autres passagers.

La première course en savari (taxi collectif) m’emmène de Howraman al-Takht (la vallée kurde où je passais la nuit) à Marivan, petite ville près de la frontière irakienne et dont le seul charme est un lac propice aux pique-niques dominicaux. Le trajet est moins spectaculaire que celui de la veille, mais retient cette qualité lunaire des montagnes décharnées. Le paysage revient de ses excès abrupts et arides, mais reste inhospitalier.

Après un petit taxi intermédiaire, le tronçon suivant m’amène de Marivan à Saqqez, toujours plein Nord. Le chauffeur est encore plus fou (les autres passagers lui demandent plusieurs fois de lever le pied sans effet); j’ai l’impression d’être dans une course-poursuite en voiture-cimetière. Le paysage, quant à lui, est radicalement différent mais reste à couper le souffle. La route serpente dans un bouillonnement de collines cuivrées, aux pentes moutonnées d’arbres. Elle suit le plus souvent le fond de vallée, où coule une rivière asséchée. La douceur des pentes, le clapotis des monts, les jeux du soleil sur l’herbe presque rousse: contraste saisissant avec la rudesse, la sécheresse, le défi du tronçon précédent. A mi-chemin, pause dans une ghave khane pour un verre de thé brûlant.

A Saqqez il est déjà 14h et soit-disant les savari ne roulent que le matin. Un passager m’aide fort gentiment et bientôt j’attends que se remplisse un taxi pour Miyando’ab, toujours vers le Nord. Je mange un kebab avec une sorte de Coca. Le buraliste du coin me fait la causette et me donne des figues.

Le tronçon de Saqqez à Miyando’ab est sans grand intérêt. Une des co-passagères parle anglais (elle est instit’) et on bavarde.

Je m’attendais à ce que Miyando’ab soit une ville plutôt sympa où passer la nuit (l’instit’ m’invite poliment, d’ailleurs), mais c’est très moche (je lui avais demandé si elle aimait cette ville, elle  avait répondu « c’est ma ville… »). Je veux me rapprocher de l’est pour visiter les ruines sassanides de Takht el-Soleilman le lendemain; je décide de faire encore une étape. Le chauffeur essaie de me voler en me faisant payer double sous prétexte que nous n’étions que deux passagers au lieu de quatre. Ça finit qu’il ne me rend pas ma monnaie et que nous nous séparons énervés tous les deux.

On me dit ensuite qu’il n’y a plus de taxis pour Tekab (la ville la plus proche des ruines). Je prends donc un taxi pour une ville intermédiaire. Puis le taxi-balai pour Tekab.

De Miyando’ab à Tekab, la route repart vers le Sud (séparée de mon point de départ du matin, Howraman, plus à l’Ouest, par une chaîne de montagnes Nord-Sud). Elle suit le tracé d’un cours d’eau:c’est donc une bande verte, cultivée, qui serpente entre des collines désertiques. Contraste encore different, sans cesse changeant, entre le vert des cultures et les collines dorées.

A Tekab mon chauffeur me dépose devant l’hôtel pour étrangers (le Rengi hotel). Je suis à la fois las de kilomètres, négociations, heures d’attente, bribes de conversation en farci, courses folles; et sous le charme des paysages traversés.

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