(Mercredi 3 août, Leh, Inde) Le palais de l’ancien roi du Ladakh surplombe la ville de Leh. Plus haut, sur le même pic rocheux, un petit monastère Gelugpa perché sur son roc, dans une fauconnerie de drapeaux à prière rouges, verts, jaunes ou blancs, enfilés sur des fils qui volent au vent.
L’air est rare, piquant de la poussière que lève le trafic continu, bruyant de la permanence des klaxons. Sécheresse, soleil brûlant. Dans la montée vers le palais, gestes ralentis et soudain peu naturels, désappris, comme dans une vallée retirée une rivière encore prise par les glaces que frappe, à midi, le soleil cru.
Au sommet, veillant sur le corps massif et endormi du palais aux fenêtres étroites comme des meurtrières, le petit monastère parle au ciel. Il comporte un premier temple peint d’un rouge pourpre comme les toges des moins, entre brique et bordeaux, qui répond au blanc de chaux éclatante du temple le plus haut. Un escalier abrupt relie les deux masses carrées, qu’on dirait posées sur le sommet en équilibre comme le nid d’une grue.
Sur le côté, un terre-plein envahi de drapeaux de prière qui dansent au vent comme aux mains d’une foraine agitant ses bâtons et rubans chatoyants. Je m’assois sur une pierre, Leh à mes pieds.
Il y a d’abord la ville basse vers le sud, blottie sous la masse du palais: désordre de ruelles entre les maisons carrées, toutes de la même couleur de terre claire qui est aussi celle des montagnes. Parfois une tête, un foulard pointe entre les toits plats et carrés, pêle-mêle comme autant de voitures qu’une crue de l’Indus aurait charriées et puis laissé en plan une fois le flot retiré.
Plus loin, parmi les peupliers très hauts et très droits, c’est la ville plus moderne, celle que l’afflux relatif de touristes a fait construire. Des immeubles plus hauts et plus blancs, vaguement mieux ordonnés, enveloppent un grand temple et son toit d’or pointu, l’ancienne et la nouvelle mosquées. On devine, dans le tracé plus droit, les rues plus commerçantes où les routards vont s’approvisionner en châles de pashmina, en bimbelotterie assemblée par des réfugiés tibétains, et en pancakes au chocolat.
Puis c’est l’aéroport, le seul point d’entrée au Ladakh si l’on exclut la route de Delhi via Manali – trois jours de route dans les embouteillages et les épingles à cheveux. Derrière lui, la bande verte de l’Indus, qui traverse le Ladakh avant de quitter l’Inde pour le Pakistan.
Enfin, de toutes part, des sommets accessibles ou inaccessibles, certains paraissant à la portée d’une brève randonnée, d’autres affichant le blanc intense de leurs neiges éternelles qui se fond dans le blanc plus doux des cumulus.
J’ai repris mon souffle, les drapeaux de prière claquent au vent, je me remplis l’oeil de ces couleurs intenses qui boivent le soleil pur.