Premier jour de randonnée: après une nuit au village de Qiunatong, non loin de la ville de Bingzhongluo, nous quittons la vallée du Nujiang pour 2000 mètres d’ascension!
Notre itinéraire
Nous devons aujourd’hui monter 2000 mètres de dénivelé, et dormir à 3800 mètres d’altitude.
L’itinéraire des jours suivants décrit un grand arc au-dessus de la vallée du Nujiang, du hameau de Qiunatong au village de Dimaluo, en passant par des sommets de plus de 4000 mètres d’altitude.
Je n’ai pas réussi à trouver les points d’itinéraire sur Google maps ni sur Alltrails, mais voici le point départ (le hameau de Qiunatong) et le point d’arrivée (le village de Dimaluo):
Départ matinal
Réveil matinal dans le hameau de Quinatong, près de la vallée du Nujiang. La journée terrible commence tôt; Aluo, notre guide, estime à 9 heures la durée d’ascension…
Lever à 6h30. Le départ est prévu une demi-heure plus tard, à 7 heures; mais l’aubergiste a décidé de préparer un petit déjeuner pantagruélique (on l’en remercie, d’ailleurs!). Nous commençons la randonnée vers 8 heures…
Nos cerveaux embrumés se mettent en marche, bercés par la musique techno trans qui délicatement perce de la fenêtre du voisin. Paix des cimes.
Montée vers le Mont Sengba
Les heures qui suivent sont magnifiques. Nous nous élevons lentement au-dessus des nuages.
L’air est mordant, la montée rude. Peu à peu, la vue se dégage sur la vallée où nagent des bancs de nuages. Au loin, derrière cette barrière rocheuse, c’est le Tibet!
Dans le dernier village où nous passons, un chien nous regarde passer dans une attitude tout-à-fait humaine. Quel philosophe était-il dans ses vies passées?
Bientôt, nous émergeons de la première couche de nuages. A nos pieds, un tapis que percent les sommet les plus hauts.
La montée se poursuit, monotone, rythmée toute les heures par une courte pause.
Le déjeuner lui-même n’est qu’une pause un peu plus assise: on s’enfile un œuf dur, une de ces saucisses réputées immangeables, ou encore une barre de cacahouètes agglomérées au sucre. Et c’est reparti.
Au fil de l’interminable ascension, les paysages se succèdent en strates: rainforest par étages, aux racines vivaces et arbres sombres qui s’entremêlent, forêts plus douces, ou encore massifs de fleurs à butiner, jaunes, bleues, violettes.
Mal des montagnes, pluie et fatigue
Ma plus grande crainte (talonnée par celle d’une semaine de pluies) est que l’un d’entre nous n’ait le mal des montagnes et que nous ne devions rebrousser chemin le premier jour. Vers 15 heures, l’un d’entre nous se sent mal; champ de vision restreint, vertiges. Nous faisons halte. Bourrage de sucre.
Notre guide pressent une averse vers 17 heures (comme chaque jour en fait…) et s’inquiète. Bientôt nous repartons, au rythme de scaphandriers en eaux profondes ou de spationautes en sortie de bricolage – nos pas sont ralentis et maladroits et nous coûtent des efforts immenses.
Vers 4 heures, la bruine annoncée se déclenche. Nous marchons une heure sous ce rideau léger; nous ne savons pas quelle distance il nous reste à parcourir.
Enfin, après le franchissement d’un arbre immense effondré en travers du chemin, Aluo nous indique l’emplacement de notre campement, sur le versant opposé. Après une dernière montée abrupte, nous laissons tomber nos sacs à terre et nous nous laissons tomber sur eux.
Campement d’altitude
Aluo et ses deux aides se sont déjà mis au travail d’arrache-pied, ou plutôt d’arrache-arbre! Munis de leurs machettes, ils abattent de quoi faire un grand feu et l’abriter du vent. Pendant ce temps, nous montons péniblement nos tentes.
La pluie fine s’était arrêtée; elle a repris alors que le feu flambe déjà bien, et qu’Aluo vient nous appeler pour dîner.
Nous soupons d’une plâtrée de riz, assaisonnée d’herbes cueillies en route et d’un affreux jambon mou (du « spam »).
Après ces 2000 mètres d’ascension, la vallée du Nujiang et ses flots tumultueux paraît lointaine.
Nos cœurs battent une chamade scientifique pulsant l’oxygène rare, face aux neiges sacrées du mont Kawa Karpo.