Après quatre jours de randonnée au-dessus de la vallée du Nujiang, nous visitons une église catholique peu commune, dans cette micro-région convertie au christianisme par des prêtres français au XIXe siècle.
Face à l’église de Baihanluo
A première vue, il est difficile de dire ce que c’est. De profil, derrière un champ de maïs, on reconnaît les formes rectangulaires, la porte face à l’Ouest, une sorte de clocher. Mais les couleur, incongrues, sont celles d’un temple bouddhiste – vert, jaune, rouge, bleu francs.
De face, les habituels toits chinois rebiquent vers le haut; la façade est bariolée de motifs géométriques et naturalistes (plantes, cerfs…). Mais d’où vient cette symétrie entre aile droite et gauche, l’absence de piliers et de passage couvert devant l’entrée, et surtout la croix qui couronne le clocher?
A l’intérieur, nous sommes en terres plus familières: la nef est divisée en deux moitiés, où s’alignent des rangées de bancs qui font face à l’autel. Deux rangées de piliers ménagent des allées latérales; le plafond s’élève au-dessus de l’autel. Derrière celui-ci, une Vierge à l’Enfant, un crucifix…
Mais à y regarder de plus près, les détails étonnent: la peinture des plafonds, carrelés de motifs végétaux ou animaliers; des portraits du Christ peints comme des icônes.
Au pied de l’autel, une photographie de Benoît XIV est placée comme des religieux bouddhistes placent la photographie de leurs chefs spirituels.
Catholicisme dans la région du Nujiang
Nous sommes à 40 heures de Pékin, non loin de la vallée du fleuve Nu (Nujiang), alias Salween. Nous sortons de quatre jours de randonnée ici, ici et là. La Birmanie est à 100 km de là; nous sommes à quelque 2000 mètres d’altitude, au-dessus du hameau de Dimaluo.
L’église de Baihanluo (白汉落), face à laquelle nous nous tenons, date des années 1900, lorsque la vallée fut convertie au catholicisme. Depuis cette époque, aucune conquête, aucune mission, aucune route commerciale, rien n’est venu remplacer le catholicisme.
Comment le catholicisme a-t-il atteint cette vallée perdue et s’y est-il implanté avec succès, tandis que, dans le reste de la Chine, les nombreuses tentatives des missionnaires chrétiens se sont soldées par des échecs?
Le catholicisme est entré par la petite porte, vers la fin du XIXe siècle. Tandis que le Tibet était l’objet d’une lutte d’influence entre la Chine par l’Est, l’Angleterre par les Indes et la Russie des Tsars par le Nord-Ouest, la France avait pour objectif premier de stabiliser la frontière de l’Indochine avec la Chine. Sa stratégie d’influence s’appuyait donc d’une part sur un soutien au gouvernement chinois et, d’autre part, sur un prosélytisme très actif de la Mission étrangère de Paris.
C’est ainsi que le Yunnan eut ses premiers évêques, que la vallée du Nujiang devint catholique, que l’église de Baihanluo fut construite.
Les Chrétiens qui y habitent me disent qu’ils aiment leur religion pour « la paix de l’âme qu’elle offre et son rapport aux autres et à la nature ».