Tant qu’à être en Chine, suivons le parcours du tch’i, le souffle, le long de l’articulation de la consonne.
Voisement, mode, lieu, aspiration
Le souffle passe d’abord sur les cordes vocales; il peut les mettre en mouvement ou non. S’il y a vibration des cordes vocales, on parle de consonne « voisée » (ou « sonore »), sinon on parle de consonne « sourde » (ou « non-voisée »). En Français, nous avons plusieurs paires de consonne, l’une voisée et l’autre sourde : dans un « p », les cordes vocales ne bougent pas, dans un « b » elles vibrent; idem pour « k » (sourd) et « g » (voisé), pour « f » (sourde) et « v » (voisée), pour « s » (sourde) et « z » (voisée), etc. Pour vous en rendre compte, posez votre main sur la gorge et prononcez « ssss » puis « zzz ». Sans vous endormir.
Puis, l’air arrive dans la bouche; il a alors plusieurs façons de circuler: c’est le mode d’articulation. Par exemple, dans une occlusive, la langue bloque l’air (occlusion) puis le laisse passer. Ou bien, dans une fricative, l’air « frotte » lors de son passage.
Le lieu d’articulation revêt également une grande importance: c’est endroit le plus étroit où l’air passe. Par exemple, dans une dentale (« t », « d »), la pointe de la langue touche les dents ; dans une palatale, elle touche le palais; dans une vélaire (« g », « k »), l’arrière de la langue touche le voile du palais, etc.
Enfin, l’air est expulsé de la bouche; il peut l’être avec ou sans aspiration. Qu’est-ce que l’aspiration ? Contrairement à son nom, c’est une brusque expulsion d’air qui accompagne l’articulation de la consonne, et qui impose un temps de séparation entre cette consonne et les sons qui la suivent. Inversement, dans une consonne non-aspirée, les lèvres « retiennent » l’air. C’est difficile pour nous Français, car notre langue n’a pas d’aspirations (au sens propre…). Mais en Anglais, par exemple, le mot pen, stylo, se prononce en fait [p’en] avec expulsion d’air et courte pause après le « p ». On peut se rendre compte de l’opposition entre la version aspirée et la version non aspirée d’une consonne en mettant (poliment) sa main devant la bouche : dans un cas, on ne doit pas sentir de flux d’air ; dans l’autre, si.
Ces quatre paramètres permettent de classer simplement les consonnes chinoises, par rapport à celles françaises ou d’autres langues. Ce ne sont pas les seuls paramètres à rentrer en compte dans l’élocution de consonnes, mais ils permettent déjà de décrire et de structurer le système consonantique chinois avec assez de précision.
Roadmap de l’offensive sur les consonnes
Dans les articles qui suivent, et en conformité avec notre goût pour le danger et son adrénaline, nous nous concentrerons sur les consonnes qui posent problème aux locuteurs francophones.
Un certain nombre de sons sont très proches en Chinois et en Français, et nous ne nous appesantirons pas dessus dans cette série d’articles ; il s’agit du « m », du « n », du « y » (comme consonne, dans « yak ») et du « w » (comme consonne aussi, dans « wasabi »).
Pour le reste, il y a deux grandes catégories qui posent problème en Chinois, les « occlusives » et les « fricatives ». On peut y ajouter les « affriquées », qui sont des diphtongues composées d’une occlusive et d’une fricative (comme le psi grec, composé des deux sons [p] et [s]).
La prononciation des occlusives est une question de voisement (en Français) et d’aspiration (en Chinois); cela occupera l’article prochain.
Les fricatives (et affriquées) chinoises sont plus délicates, car elles impliquent des consonnes qui n’existent pas en Français; je les expliquerai donc dans cet article en comparatif par rapport à d’autres langues mieux connues, comme le patchoun ou l’espéranto.
Par ailleurs, si vous avez oublié les tons, plongez-vous dans ce petit rappel 🙂
Et puis bon courage quand même, car quand on arrive en voyou devant la baraque de la voyelle qu’on aime, c’est là qu’on sonne.