Mon baluchon sur les dos, j’attrape le bus pour le village de Xijiang (西江, prononcer « Chi-tsiang ») à la gare routière, il est plein à craquer. A l’arrivée une heure et demie plus tard, deux sentiments contradictoires se succèdent très rapidement.
Le premier est l’immense surprise qui fond sur moi lorsque la route, au détour d’un méandre, débouche sur un panorama qui plonge sur Xijiang et embrasse à l’entour le crantage des collines brumeuses. En bas, une eau claire court au milieu des maisons brunes, dont il est manifeste qu’après que les premières se furent lovées dans le creux de la rivière les suivantes ont souplement avalé la montagne en ses pentes, la couvrant comme d’une marqueterie aux facettes multiples.
Mille villages dit-on, qui chacun s’allument d’une lanterne à la nuit tombée. Des ponts de bois se courbent sur les eaux ; leurs toitures travaillées reposent sur des piliers aux belles proportions. Par-dessus tout, grâce de cette ondulation de l’eau sur la ligne de plus basse altitude ; les constructions de l’homme s’y fondent avec naturel, comme le déhanchement d’une danseuse aux bras souples devant le feu de camp. Elégance de même race que le grand geste très lent dont les faisceaux de rizières enveloppent la succession des montagnes brumeuses.
Le deuxième sentiment me ramène sur terre. C’est celui de la vache à lait, mâtinée de portefeuille sur pattes et de gogo d’Occident. Salué par un grand porche dans le style Antique, le Touriste s’informe sur un plan dans la langue sinon de Shakespeare du moins de Michael Jackson. Si ses pieds sont trop fatigués pour suivre ses yeux dans le chemin pavé qui longe la rivière, une petite voiture électrique y supplée, avec l’agrément additionnel des explications fort bien documentées d’un guide expert ès scenic views. S’il le désire enfin, des boutiques variées proposent une restauration de qualité ainsi qu’un artisanat authentique qui ravira ceux auxquels ces cadeaux seront faits.
Par acquit de conscience, je fais le tour du village. Je suis presque tenté par la voiture électrique parce que ça monte (mais que m’arrive-t-il ?). Les maisons d’hôtes, où j’envisageais de passer la nuit, ont réellement l’air confortables, mais je dormirai ailleurs.
Devant moi, deux options : rentrer à Kaili par la navette de 4 heures et anticiper vers Leishan (雷山), ou me lancer dans l’aléatoire randonnée que propose le (Lone)holy Planet – deux jours de marche vers Paiyang, village voisin.
Alors commence une aventure incroyable.