Arrivé sans avoir raté d’avion, j’ai posé mes valises dans un immeuble qui rappelle à la fois les beaux jours du socialisme triomphant et l’ancienneté de ces beaux jours. Façades constellées de climatiseurs, longs couloirs gris, ascenseurs ne s’arrêtant qu’aux étages impairs, ou s’immobilisant dès minuit, douche « à la chinoise » (= pommeau de douche dans un coin de la pièce, et le carrelage de la pièce en pente légère vers une évacuation…).

Je m’installe dans une collocation sympathique, dans cet appartement loué par une école de langue. Le loyer au mètre carré, qui évoque dans sa disproportion les moulures et les tapis feutrés des grands appartements parisiens (l’analogie s’arrête là, je vous rassure), réveille mon aspiration vers l’inconnu. Il va falloir que je m’arme de courage et d’un dictionnaire pour démarcher quelques agences immobilières chinoises, ignorantes de l’Anglais autant que moi des pratiques locales !  

Depuis mon séjour à Pékin il y a deux ans, certains quartiers de la ville sont méconnaissables: à la place des réseaux de petites ruelles, rasés, s’élèvent des champignonnières de hauts bâtiments tout de métal et de verre, rivalisant de hauteur et d’audace architecturale. Des districts entiers ont poussé; les vieux quartiers miteux (et pleins de charme!) qui survivent encore sont ceints d’un mur factice qui les cache aux yeux des passants; seuls quelques uns demeurent, qui sur-restaurés, qui en instance de démolition. Pékin est à la fois plus net et plus banal. Partout, la persistance des commémorations du 1er octobre – vidéos dans les métros, drapeaux dans les rues, jets d’eau sur tiananmen, autocollants omniprésents….

On retrouve son chez-soi, cependant, à la clameur rauque d’un raclement de gorge suivie d’une bruyante expectoration, à la bousculade aux heures de pointe, à la difficulté semble-t-il incommensurable des chauffeurs de taxi à comprendre les destinations les plus banales, et à la perfide disproportion des distances sur la carte et dans Pékin…

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